Trans’Alpes en détails

Les grandes traversées des Alpes

Avant de parler de notre projet Trans’Alpes, il nous paraît utile et légitime de présenter en quelques mots les traversées déjà existantes :

Les rochers des Fiz

• la GTA – GR®5 : la réputation de cette Grande Traversée des Alpes françaises n’est plus à faire. L’itinéraire, balisé rouge-blanc, est géré et entretenu par la Ffrp (Fédération française de la randonnée pédestre).
La GTA est donc un itinéraire de randonnée « classique », sans problème particulier de terrain ni d’orientation.
Notre parcours empruntera quelques portions du GR®5 et de ses variantes, les GR®55, 58 et 52. En outre, ces sentiers constitueront parfois de bonnes solutions de « repli » pour les étapes les plus délicates en cas de mauvais temps.

• nous suivrons pendant quelques heures la GTA italienne, également balisée rouge-blanc (étape 22).

• la Haute Randonnée Alpine (HRA), publiée par le Club Alpin Français chez Edisud. Cette traversée de haut vol fait souvent appel aux techniques de l’alpinisme (courses F à PD) et, de ce fait, se voit réservée à un public averti. Deux guides ont été publiés : le premier, « Haute Randonnée Alpine » décrit une traversée entre le Léman et la Méditerranée en suivant la frontière au plus près. Cette traversée évolue entre 2500 m et 3500 m. Il se trouve que nous avons à peu près le même objectif mais avec des prétentions plus modestes quant au degré de difficulté et aux altitudes.
Il nous arrivera d’emprunter quelques portions d’itinéraires de cette traversée, de manière fortuite puisque nous avons découvert l’existence de cet ouvrage après avoir élaboré notre parcours.

Col du bataillon d’Aoste

Le deuxième volume « Traversée Occidentale des Alpes » (Haute Randonnée Alpine n°2) visite, comme son nom l’indique, des massifs situés plus à l’Ouest, comme les Écrins.

• la Via Alpina : traversée de l’intégralité de l’arc alpin, soit une randonnée au (très) long cours d’environ 5000 km de Trieste à Monaco, sur des sentiers balisés de type GR®. Il existe un itinéraire principal enrichi de 4 grandes variantes.

• projet « Alpes sans Frontières » : il ne s’agit pas d’une traversée à proprement parler mais plutôt du recensement de (presque) tous les itinéraires bordant la frontière avec l’Italie. Ce gros travail est sorti sous forme de 17 carto-guides bilingues, dans 4 langues (français-italien et anglais-allemand). Nous utiliserons plusieurs cartes au 1/25000 de cette série, en regrettant qu’elles ne puissent être achetées séparément des guides.

Trans’Alpes

La traversée que nous vous proposons dans ce guide occupe en gros l’espace libre entre le GR®5 et la HRA, du point de vue de l’altitude et des difficultés.
C’est en quelque sorte le « chaînon manquant » entre ces deux traversées.
Nous avons conçu ce parcours grâce à une étude minutieuse sur cartes sans chercher à utiliser les itinéraires préexistants mais il se trouve que nous partageons régulièrement notre chemin avec l’un des itinéraires mentionnés dans la rubrique précédente ; il pourrait difficilement en être autrement dans les Alpes qui ont été sillonnées en tout sens depuis fort longtemps.

Brêche Borgiono

Si notre traversée possède une originalité, c’est plus dans sa globalité que dans le détail ; de plus, nous avions une idée précise en tête en élaborant ce tracé : faire une sorte de réplique de la HRP (Haute Randonnée Pyrénéenne) pour les Alpes. Nous aurions pu donner à cet ouvrage le sous-titre « HRP des Alpes » ; cette modeste boutade a néanmoins le mérite de résumer parfaitement la « philosophie » de ce guide.
Nous avons tenté de respecter un cahier des charges relativement strict en élaborant ce parcours :
– relier le Lac Léman à la Méditerranée par un parcours d’altitude aussi sauvage que possible mais qui reste de la randonnée.
– concevoir un parcours qui soit le plus direct possible tout en visitant les plus beaux massifs. Ce critère impose des choix qui nous ont fait par exemple éviter les Ecrins…
– gravir des sommets faciles en traversée ou en aller-retour s’ils ne sont pas trop distants du tracé de l’étape.
– faire en sorte que l’étape se termine dans un refuge gardé.
– éviter autant que possible les GR et les sentiers très fréquentés.
– éviter les routes et les lieux de « civilisation » (villes, villages, stations de ski) trop rapprochés.
– concevoir des étapes d’une durée de marche effective comprise entre 5 et 8 heures.
– proposer, pour les étapes les plus ardues, des variantes plus faciles en cas de mauvaise météo ou de méforme.

Lac de Marinet

La traversée Trans’Alpes se situe donc très près de la HRP quant au degré de difficulté. Nous qualifierions certaines étapes de « randonnée trapue », à savoir qu’elles demandent un effort physique et une concentration soutenus, en terrain pas toujours hospitalier…
Cette traversée s’adresse donc à des randonneurs ayant l’habitude du terrain « montagne » (blocs, orientation, pentes raides, névés…). Même si ça n’est pas conseillé, elle peut être réalisée par une personne seule puisqu’elle ne fait pas appel aux techniques de l’alpinisme (il n’y a pas de traversée de glaciers ni d’escalade). En outre, nous pensons que tout sportif bien encadré et motivé peut réaliser cette traversée.
La traversée Trans’Alpes se déroule sur 41 étapes (le même nombre que la HRP mais ça n’était pas prévu) du Nord au Sud, dans les Alpes françaises, suisses et italiennes. Quatre étapes se déroulent en Suisse, treize étapes en Italie et vingt-quatre en France.
L’altitude moyenne des étapes oscille entre 2000 m et 3000 m et leur durée moyenne est d’environ 6h30, pour un dénivelé moyen d’environ 1080 m ; ces caractéristiques restent raisonnables mais s’avèrent quand même assez exigeantes sur la durée.
Pourquoi du Nord au Sud ? Parce que nous avons pensé que les versants Nord éventuellement enneigés seraient plus faciles à gravir qu’à descendre mais surtout parce qu’il nous paraît plus sympa d’aller vers le soleil et la Mer…
L’essentiel des descriptifs et des infos donnés dans ce guide ont été récoltés au cours de deux traversées effectuées en 2006 et 2007. Quelques mises à jour ont été faites en 2008 et 2009 mais certains renseignements peuvent déjà être obsolètes ; par exemple, n’hésitez pas à vous renseigner sur l’ouverture de certaines épiceries de montagne.

Période la plus propice à cette traversée

Massif de l’Argentera

• Pour ceux qui veulent faire la traversée en démarrant du Lac Léman, il est préférable pour se lancer d’attendre que le déneigement soit bien avancé, ce qui amène à début juillet, voire mi-juillet.
L’enneigement peut varier d’une année à l’autre et il est prudent de se renseigner avant de partir, soit par internet (météo montagne : enneigement des versants Nord), soit en téléphonant directement à certains refuges. Par exemple, en contactant le refuge du Grenairon, au-dessus de Sixt-Fer-à-Cheval, vous pourrez connaître le niveau d’enneigement du Mont Buet qui constitue un bon repère pour le massif des Aiguilles Rouges et du Mont Blanc.
En ce qui concerne la météo, il faut savoir que le massif du Mont Blanc est sujet à des précipitations importantes… En cas de refroidissement, la neige peut tomber autour de 2000 m, en quantité plus ou moins importante ; idem pour le massif de la Vanoise.

• Pour ceux qui en ont l’opportunité, il est possible de démarrer vers la mi-juin, en commençant par la moitié Sud des Alpes, c’est-à-dire à partir de Salbertrand (étape 22) où il est possible d’arriver en train. Certains cols du Queyras, des massifs de Chambeyron ou de l’Argentera pourront être enneigés mais ne poseront pas de gros problèmes par beau temps.

Cette option, que nous avons testée, présente à notre avis quelques aspects intéressants :

– les amateurs de “solitude” seront comblés car il y a peu de monde sur les sentiers et de nombreuses cabanes de bergers sont inoccupées et ouvertes, offrant ainsi des possibilités d’hébergement supplémentaires. Là encore, n’hésitez pas à vous renseigner avant de partir : par exemple, les conditions d’enneigement du Col de la Noire (2955 m, étape 28), dans le Queyras, nous paraissent un bon point de repère. Vous pourrez les connaître en contactant le refuge de la Blanche. Il est possible aussi de se renseigner sur l’enneigement des cols de l’étape 29 en téléphonant aux refuges de Maljasset ou de Chambeyron.

Colle di Brocan

Assurez-vous également des dates d’ouverture de certains refuges gardés; de nombreux refuges situés au-delà de 2000 m ouvrent leur porte vers la mi-juin, ± quelques jours…

– Les paysages, encore partiellement enneigés, accentuent le côté “montagne” du parcours et les prairies fraîchement déneigées sont couvertes d’un impressionnant tapis de fleurs. C’est le printemps !
Sous le soleil des longues journées de journées de juin, vous profiterez d’un décor très contrasté à haute valeur esthétique.
Une fois arrivé à la Mer, vous pourrez prendre quelques jours de repos, faire bonne chair et réviser votre matériel ; vous voilà fin prêt pour attaquer la moitié Nord…

Remarque : en fonction des années, le mois de septembre peut se révéler très favorable à la randonnée, y compris dans les massifs d’altitude (Mont Blanc, Vanoise). L’enneigement y est à son minimum et le (beau) temps peut être d’une grande stabilité. Par contre, si une dégradation du temps survient (pluie ou neige), elle peut marquer la fin de votre trek car en cette période, le temps se remet difficilement sur le mode “estival”.

Matériel

Les randonneurs qui se lancent dans cette traversée ont l’habitude de préparer leur sac mais nous rappellerons quand même quelques évidences à ceux qui envisagent la traversée complète ou en tout cas une bonne partie :
– partir avec du matériel neuf ou en très bon état : sac à dos, tente, chaussures, duvet…

Pour le duvet, la température de confort peut se situer de 0 à -5°C (ou inférieure si vous êtes frileux), pour un poids ne dépassant pas 1 kg.
L’intérieur des chaussures (surtout s’il est en cuir) subit une usure plus rapide lorsqu’on les utilise en continu sur une longue période car il n’a bien souvent pas le temps de sécher entre le soir et le matin. Lorsque nous parvenons à sécher l’intérieur, c’est souvent grâce à une exposition directe au soleil, ce qui fait “travailler” les tissus concernés. S’assurer du bon crantage de la semelle, semi-rigide de préférence.
La tente, même si elle n’est pas absolument nécessaire, est tout de même fortement conseillée ; elle permet de marcher à son rythme, d’allonger ou d’écourter une étape en fonction de la forme du jour ou des conditions météo… De plus, dormir sous tente permet à notre avis une « immersion » plus profonde dans la montagne.

Bivouac au Lago Blanco di Agnel
  • bâton(s) : à notre avis, absolument indispensable car il peut servir un peu à tout : sonder un névé, franchir un torrent, marcher sur neige ou sur des pentes raides, éloigner des génisses trop envahissantes, caler la porte d’un abri ou faire accélérer vos compagnons de route qui traînent un peu la patte…
  • piolet : nous l’estimons utile du refuge de Bostan-Tornay (étape 4) au refuge de Pagari (étape 38). Bien sûr, cette “fourchette” peut être plus ou moins importante suivant l’époque ou l’année. Un groupe de trois personnes peut aussi emporter une paire de crampons et une corde (environ 20 mètres en 6 mm).
  • altimètre et boussole : ces instruments sont absolument indispensables dans la mesure où le descriptif s’appuie essentiellement sur des repères d’altitude et des directions cardinales.
  • sac à dos : il est souvent conseillé de choisir le plus petit volume possible en raison du poids du sac à vide ; mais à charge identique, le sac le plus gros sera plus confortable. Une extension de 5 ou 10 litres permet le cas échéant d’emporter un peu plus de ravitaillement sans tout écraser… Suivant que vous voyagez seul ou en groupe, que vous dormez sous tente ou pas, le volume du sac peut varier de 50 à 80 litres.
  • pluie et vent : nous avons résolument laissé tomber la cape anti-pluie que nous jugeons peu confortable, propice à une intense transpiration et parfois même susceptible d’entraver la marche (il peut arriver de marcher sur le bord de la cape en montée…). De plus, s’il y a du vent, la cape peut se soulever et ne plus couvrir grand’ chose, voire même subir une prise d’air pouvant déstabiliser le marcheur.

Nous préférons de loin le surpantalon et la veste type Gore-Tex, à la fois imperméables, coupe-vent et respirants, donc beaucoup plus polyvalents. Pour le sac à dos, un couvre-sac ou sursac fait très bien l’affaire. Cette tenue est plus confortable pour le marcheur mais aussi plus sûre s’il évolue en terrain accidenté (blocs par exemple). Le surpantalon remplace en outre avantageusement les guêtres sur neige ou dans de hautes herbes mouillées.

Dôme de la Sache
  • piles de rechange si modèles peu courants (pour altimètre, appareil photo, torche…).
  • fil, aiguille, micropore : petits trucs très utiles pour réparer toutes sortes d’objets.
  • GPS : nous le considérons comme un élément de sécurité qui doit rester au fond du sac. Son utilisation systématique ne nous paraît pas utile, voire même antinomique avec l’esprit de cette traversée. Le GPS ne doit pas vous dispenser de savoir lire une carte ni d’observer le terrain. Par temps de brouillard, il peut s’avérer rassurant dans la mesure où le relief n’est pas trop tourmenté car il n’indique pas les petits accidents de terrain comme des trous ou des mini-barres de roche.
  • téléphone portable : assurez-vous de sa longue autonomie ; de plus, il faut savoir qu’on est loin de capter partout sur cette traversée.

Horaires des étapes

Les horaires donnés dans le descriptif sont ceux d’un randonneur en bonne condition physique mais relativement chargé (17-21kg) ; les temps intermédiaires ont été systématiquement arrondis aux “5 minutes” supérieures (par exemple, une durée de 42 minutes est ramenée à 45 minutes).
Bien entendu, ces horaires ne sauraient correspondre au rythme de tous les randonneurs ; ils seront parfois jugés bons, mais souvent trop courts ou trop longs. Dans la mesure où ils ont été relevés par une seule personne, ces horaires devraient être assez cohérents d’une étape à l’autre et permettre ainsi à chacun de se “calibrer” par rapport au rythme proposé, en fonction de sa forme et de sa charge.
De plus, la plupart du temps, nous avons veillé à ce que les horaires respectent en gros les critères suivants :
– vitesse de montée : env. 350 m/h
– vitesse de descente : 500 à 600 m/h,
en montée ou descente franches sur sentier.

près du refuge Deffeyes

Cartographie

Toutes les cartes mentionnées dans les fiches techniques des étapes sont au 1/25000, sauf indication contraire.
Outre les très bonnes cartes françaises de l’IGN et les non moins excellentes cartes suisses, nous utiliserons aussi les cartes du projet “Alpes sans Frontières” car elles présentent l’énorme avantage de couvrir parfaitement la zone frontalière entre l’Italie et la France ; par contre, elles ne sont pas exemptes de quelques erreurs (dans les tracés d’itinéraires ou les emplacements de certains refuges) que nous signalerons aussi souvent que possible.

Il existe une série de six cartes au 1/50000 chez Rando Editions ; elles présentent un bon recouvrement avec les “versants” suisse et italien mais ne couvrent qu’une partie du parcours. Trois cartes peuvent nous intéresser :

  • A1 : de Sixt-Fer-à-Cheval (étape 6) au refuge Deffeyes (étape 14).
  • A2 : de Morgex (étape 14) à Tignes-Val Claret (étape 18).
  • A3 : de Tignes-Val Claret (étape 18) au Col d’Ambin (étape 21).

On trouve chez Libris une série de six cartes au 1/60000 qui s’étendent du Léman au Mercantour. Quatre cartes peuvent être consultées :

  • L1 : Chablais/Haut-Giffre (du Léman à Sixt).
  • L2 : massif du Mont Blanc.
  • L4 : Vanoise.
  • L6 : Queyras/Haute-Ubaye.
Grande Casse depuis la Pointe du Grand Vallon

Georges Véron

Enfin, je remercie Georges Véron (1933 – 2005), le « père » de la Haute Randonnée Pyrénéenne, sans qui ce livre n’aurait jamais vu le jour, pour deux raisons :

d’abord, il m’a aidé à me familiariser avec les Pyrénées et la HRP. Il m’a renseigné avec patience sur de multiples variantes ou ascensions de sommets puis il m’a grandement aidé à devenir autonome quant au choix de mes itinéraires après étude sur cartes, en me faisant comprendre un jour que, désormais, j’étais « assez grand pour me démerder tout seul »…

Ensuite, Georges m’a « légué » la HRP ; à savoir faire les mises à jour, injecter de nouvelles variantes, en quelque sorte continuer à faire vivre cette fantastique traversée des Pyrénées. Il m’a donc fallu apprendre à décrire le plus précisément possible les itinéraires afin de pouvoir les transmettre à d’autres.

C’est donc grâce à Georges Véron que j’ai « osé » concevoir cette traversée des Alpes. Après l’avoir pratiquée, je pense qu’elle mérite sa place aux côtés de la HRP. Et c’est pour cette raison que je vous la propose.

Bonne route !

HRP 2007
Haute Randonnée Pyrénéenne par Georges Véron et Jérôme Bonneaux (Rando éditions 2007)